samedi 3 février 2007

De Bricard à Ingersoll-Rand


La dynastie de Sterlin à Bricard
La dynastie Bricard fera le label de la serrure dans le Vimeu. L’épopée économique et commerciale de la serrurerie du Vimeu commence avec Louis-Charles Sterlin fin 1780 installé à Paris rue Tiquetonne, près du théâtre de Bourgogne qui attire le tout Paris, en choisissant ce quartier très animé et en proclamant la qualité des serrures et des ferrures qu’il reçoit du Vimeu, Sterlin fait preuve d’un bon sens commercial, Il connaît bien la valeur artisanale de cette région Picarde qui deviendra très vite le centre de la serrure en France.
Les Ouvriers-Paysans du Vimeu, Sterlin les connaît fort bien et apprécie leur travail. Il a chargé son commissionnaire, Gauthier, installé à Woincourt, de répartir les commandes entre les familles de la région. La production est acheminée vers Paris par les mareyeurs qui transportent le poisson pêché au Tréport et par le carrosse royal de EU à qui l’on confie les caisses de serrures, de clés et de ferronneries.
Les méthodes évoluant, Sterlin, dont le commerce est prospère, comprend que des machines peuvent accélérer la production. En 1821, il achète à Woincourt une petite manufacture de cylindres de filatures. Il en confie la direction à son commissionnaire, Gauthier. Les clés seront ébauchées au marteau-pilon; les artisans peuvent alors les fignoler plus à loisir.
Sterlin entend protéger ses serrures : elles portent désormais, gravées, les deux premières lettres de son nom, «ST». Utilisant judicieusement l’outillage de son usine, il adopte des fabrications, réservées jusqu’ici aux Ardennes : les paumelles et les espagnolettes Il perfectionne aussi la serrure et dépose en 1825 son premier brevet: c’est une serrure à un tour et demi et un seul ressort.
En 1829, un autre brevet, signé Sterlin, fera franchir à la serrurerie une étape importante. Il concerne la serrure à deux pênes à foliot à bras égaux, avec entrée au centre de la serrure; les pênes indépendants sont superposés. Cette serrure remplacera vite les serrures des portes intérieures et tous les systèmes utilisés jusqu’alors. Ces dispositifs restent en usage aujourd’hui et demeurent la base des fabrications.
La marque «ST» tient ce qu’elle promettait. Sterlin bien installé s’enrichi très vite, Eugène Bricard apprenti serrurier chez Sterlin gravi les échelons de la hiérarchie pour devenir à la mort de Sterlin en 1834 gérant de la marque au deux lettres « ST ». Les héritiers de Sterlin vendent la fabrique de Woincourt à leur commissionnaire Gautier, Eugène Bricard se marie en 1835 avec la fille Allez, grand quincaillier de l’époque, il achète le magasin de la rue Tiquetonne et s’associe avec Gauthier et se réserve la production de serrure dans l’usine de Woincourt.
La serrure est perfectionnée mais Bricard s’intéresse aussi à toutes les ferrures et fermetures destinées à l’ornement des maisons, il fait breveté la pivot à hélice et l’espagnolette à poignée verticale. Devenu industriel chevronné entrant dans l’ère du machinisme moderne, il remplace en 1852 le rustique manège à chevaux qui actionnait les tours et machines à découper, la première machine à vapeur est installés dans le Vimeu à l’usine de Woincourt.
Eugène Bricard s’entoure de ses deux fils, Alfred et Jules, la marque « ST » est devenue incontournable pour tout ce qui concerne les fermetures de portes et l’ornement, Eugène entreprend de réunir toutes les pièces de serrureries, anciennes et créations nouvelles, et s’intéresse à la serrurerie décorative qu’il fait exécuter par quelques artistes bronziers qui seront les maîtres d’apprentissages des mains d’or travaillant dans l’usine de Woincourt, certains ouvriers ne sont plus simplement mécaniciens ou ajusteurs mais deviennent sans en avoir ni reconnaissance ni élévation sociale de véritables sculpteurs , graveurs, ciseleurs de grand talent. Bricard réunira une collection de serrures qui est de loin la plus belle du monde que l’on peu découvrir au Musée de la Serrure à l’ Hôtel Bruant à Paris.
En 1868, les locaux de la rue Tiquetonne devenu trop petit, la famille Bricard achète l’Hôtel de Bezons ou sera installé le siège de la Société jusque nos jours. En 1877 l’association avec Gauthier se rompt et les Bricard deviennent les seuls exploitants de l’usine de Woincourt, Eugène Bricard meurt en 1883, les Frères Bricard entreprennent alors de regrouper au sein de l’usine de Woincourt toutes les productions de pièces détachées que les Ouvriers-Paysans du Vimeu réalisent toujours chez eux, l’usinage mécanique doit être poussé à fond et en 1889 une fonderie avec cubilot est installée à Woincourt. Avec les pièces fondues les articles se multiplient et se diversifient, l’arrivée du chemin de fer est une aubaine, Bricard oriente une partie de son activité vers ce nouveau marché.
Parallèlement, il lance une nouvelle serrure à passe-partout dont la clé maîtresse permet d’ouvrir toutes les portes d’une installation, chaque serrure étant cependant pourvue d’une clé particulière.
A l’Exposition Universelle de 1900, les stands Bricard sont remarqués. En 1909, une association se noue entre Jules Bricard et son neveu Gaston, fils d’Alfred. A l’usine de Woincourt le problème de fixation du personnel formé aux créations Bricard se pose, le développement d’autres usines dans le Vimeu tant à faire fuir une mains d’œuvre au service de la famille Bricard mal payé mais investi de connaissances que d’autres patrons du Vimeu essaient de s’approprier, la création de maisons ouvrières à Woincourt sera un moyen de lutter contre cette crise de la main-d’oeuvre pour que les meilleurs ouvriers restent fidèles à Bricard. Le secteur industriel progresse toujours; en 1912, l’équipement industriel moderne et les méthodes du travail à la chaîne augmentent sensiblement le potentiel de production.
Quand la guerre survient, Jules Bricard sort de sa retraite pour reprendre la direction de la Maison. Les fabrications traditionnelles sont réduites, la vie des magasins parisiens est ralentie. Les usines sont associées à la défense, et leur outillage de précision assure la meilleure qualité à la production des matériels réclamés par l’armée: gaines de fusées d’obus, grenades, obus V.B., entre autres.

Avec la paix, l’activité renaît et le progrès accélère encore les méthodes de fabrication. Avec la reconstruction du pays le marché est au sommet de la prospérité, les Bricard vont étendre leur production dans les serrures bas de gammes, Gaston et Roger Bricard s’engagent dans la production ultra industrialisée mettant en place des moyens de production et des concepts de travail basés sur l’exploitation intense des ouvriers, par le travail à la chaîne, l’entrée des femmes dans les usines. La fabrication de types de serrures à des prix avantageux et de qualité prennent très vite une bonne place sur le marché, ces articles portent le sigle « ST » comme marque de prestige. La firme des frères Bricard entre ainsi dans une période d’expansion qui placera la marque Bricard au premier rang, les plus grandes et les plus modestes demeures porteront la signature Bricard; on la trouvera sur des navires, des avions, des trains, des complexes énergétiques, des usines, etc.
En 1930, la construction commence à s’adapter à la poussée démographique. Les premières H.B.M. sortent du sol; de grands bâtiments en brique rouge s’élèvent autour de Paris. De nouveaux débouchés sont offerts, notamment dans la quincaillerie de bâtiment et la robinetterie. Des accords avec d’autres fabricants sont passés pour répondre aux demandes, Bricard est ainsi en mesure de fournir la totalité des articles réclamés pour des besoins massifs. Le Vimeu industriel s’étend et se diversifie avec d’autres productions toutes liées entre elles.
De 1935 à 1939, la fabrication de robinetterie sanitaire se développe à Woincourt, d’autres fonderies se créent, Guareski, Caron-Lénel, St Germain, la robinetterie trouve une expansion sans cesse croissante. La guerre interrompt cette progression, les usines sont réquisitionnées et fabrique de l’armement, Bricard démontera le matériel de production de serrures et l’acheminera vers la zone libre, les machines seront réinstallées en 1940 à Woincourt, les difficultés d’approvisionnement et l’utilisation pour l’armement du cuivre et laitons pousseront la mise au point des matériaux de remplacement en alliages divers, les premières fabrications en zamak voient le jour.
Après la Guerre, dès 1944 le dynamisme de l’industrie vimeusienne reprend, la reconstruction du pays est une opportunité et les besoins sont considérables. Les industriels distribuent largement le travail en payant peu les salariés mais en utilisant beaucoup de mains d’oeuvres, ce qui permet à l’ensemble de la communauté vimeusienne d’avoir un emploi, sous payé mais devenu vital en cette période. Le paysage usinier du Vimeu se développe de façon impressionnante.
Pour revenir à Bricard, cette période de guerre fut pour ses dirigeants et cadres, une période de réflexion utile qui aboutit dès1944 à un programme de redémarrage rapide, les stocks sont épuisés, les fabrications ne correspondent plus aux besoins nouveaux, Bricard modifie l’outillage et se lance dans de grandes séries, il rachète l’usine d’Escarbotin qui aura vocation de fabriquer les serrures tandis que Woincourt est spécialisée en fonderie et fabrique la robinetterie.
Dans le domaine commercial il convient d’informer la clientèle, en 1948 un premier album est diffusé avec la description de chaque article. Le premier catalogue complet de la serrurerie et quincaillerie de bâtiment sera édité en 1955 en direction des architectes et entrepreneurs qui l’adoptent immédiatement comme instrument de référence. Bricard va installer des agences commerciales au-delà de Paris, la première en 1956 à Lyon puis aux quatre points de l’hexagone. Deux agences seront également ouvertes en 1957 à Dakar et Abidjan. Une usine à Frévent est construite en 1959. Gaston Bricard meurt en 1962 laissant à Alfred la direction des affaires qui connaissent une progression constante plus de 50 tonnes de produits sont ainsi acheminés chaque jour des usines du Vimeu vers les agences. Dès lors, le travail est bien réparti entre des secteurs spécialisés.
A Woincourt sont traités les métaux non ferreux, grâce, en particulier, à une fonderie de laiton; la production est orientée vers la robinetterie et la cuivrerie. L’usine d’Escarbotin travaille les métaux ferreux. A partir de feuillard en rouleaux, de puissantes presses ultramodernes réalisent les opérations de découpe et d’emboutissage. Parallèlement, d’autres ateliers fabriquent de multiples pièces détachées ou parachèvent les opérations commencées par les presses. L’usine Riquier à Fressenneville est rachetée et sert d’annexe à celle d’Escarbotin. L’ensemble aboutit à d’importantes chaînes de montage axées sur la serrure
Les installations de Frevent sont spécialisées dans la fonderie: on y coule la fonte, l’aluminium et le zamak
.Un matériel de polissage automatique des plus modernes prépare les pièces à leur décor définitif, nickelage-chromage en particulier.

Ce complexe industriel assure la production nécessaire sur cinq départements :
- Serrurerie décorative
- Serrurerie et quincaillerie de bâtiment
-. Serrures à combinaisons et passe-partout
- Robinetterie eau et sanitaire
- Ferrures frigorifiques.
Bricard va définitivement arrêter ses fabrications du secteur sanitaire lors de la crise de la robinetterie des années 80 et fermera son usine de Woincourt se positionnant uniquement dans la serrurerie, cédant la majorité des parts de l’entreprise au groupe Italien CISA. La fabrication est concentrée sur les usines de Friville-Escarbotin et Fressenneville. L’entreprise familiale disparaît et le groupe est contrôlé par les capitaux étrangers, en 2000 Bricard profite de l’opportunité offerte par le SIVOM et le Conseil Régional pour s’installer sur la Zone Industrielle des 3F dans des bâtiments flambants neufs. Bricard, symbole du Vimeu est maintenant convoité par le grand capital qui tire les profits de nos produits, SICA vend en 2004 Bricard au groupe américain INGERSOLL-RAND qui a pour unique objectif que de conquérir le marché européen en s’emparant de la Marque et Bricard devient une vitrine de négoces, l’usine du Vimeu produit de moins en moins et les fabrications sont composées de pièces d’importations : 30% des produits incorporés proviennent de Chine, 40% du groupe CISA.
Que deviendra l’unité de production vimeusienne quand le groupe américain aura conquis le marché européen ?
L’épopée de la famille Bricard symbolise bien la vie industrielle du Vimeu au travers ces années de conquêtes économiques et de développement technologique.

2 commentaires:

Wakatcha a dit…

Bonjour!
Pouvez-vous nous dire ce que sont devenus les fonds du Musée de la Serrure à Paris, fermé depuis 2003?
Merci d'avance

Oleg a dit…

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